La Commission des pertes massives a franchi une étape importante la semaine dernière en présentant son rapport provisoire. Le moment est donc bien choisi pour jeter un regard sur les travaux de la Commission jusqu’à maintenant, sur leurs conséquences pour les participants et sur ce qu’il faut à présent pour réaliser le mandat de la Commission.
Pour toutes les personnes touchées, le parcours est difficile. Le processus d’examen et de documentation des événements des 18 et 19 avril 2020 n’est pas facile pour quiconque, mais faire ressortir ce qui s’est passé est un aspect nécessaire du mandat de la Commission.
Au cours de la dernière année, des dizaines de policières et de policiers de la GRC ont aidé la Commission à fournir ces réponses, notamment des membres du Groupe des crimes majeurs et des Services des sciences judiciaires, qui ont recueilli et traité des éléments de preuve provenant de 17 scènes de crime, mené des centaines d’entrevues et exploré d’innombrables pistes.
Les membres qui ont participé à cette intervention d’une durée de 13 heures ont également fourni leurs notes et rapports, et se sont prêtés à de longues entrevues enregistrées avec le personnel de la Commission au cours desquelles ils ont décrit en détail leur participation et l’information dont ils disposent. Bon nombre de ces documents sont maintenant accessibles au public sur le site Web de la Commission à titre de documents fondamentaux.
La Commission a donné à tous les participants et à leurs avocats l’accès à plus de 55 000 documents qui couvrent tous les aspects de la réponse de la GRC à l’incident de pertes massives. Ces documents abordent même les théories du complot les plus improbables qui ont circulé depuis (et ils les déboulonnent). Elles ont été examinées attentivement par la Commission et réunies dans des documents fondamentaux narratifs avec l’aide des participants.
Malgré la richesse des renseignements facilement accessibles, certains participants continuent d’alléguer qu’on les tient dans l’ignorance ou que la Commission n’a pas fourni les « réponses » qu’ils cherchaient. Ce discours empreint de mauvaise foi fait que certaines voix s’élèvent pour réclamer que nos membres soient appelés à témoigner et soumis à un interrogatoire public, malgré les déclarations détaillées qu’ils ont déjà faites et toute l’information disponible dans les documents divulgués. Il est difficile d’imaginer quelles sont les questions en suspens auxquelles ils n’ont pas répondu.
Déjà, cinq membres de la GRC ont comparu devant la Commission. Il ne fait aucun doute que ces témoignages ont mis en lumière leur formation exceptionnelle, leur professionnalisme et, surtout, leur humanité face à la tragédie et à l’adversité. Mais à quel coût pour leur santé mentale? Et ces témoignages ont-ils réellement contribué aux travaux tournés vers l’avenir de la Commission?
La Commission a l’intention de convoquer plus d’une douzaine de membres de plus au cours des prochaines semaines, y compris ceux qui ont assumé le poids de la responsabilité de diriger les opérations policières tout au long de l’intervention.
Pourquoi les membres doivent-ils se répéter et répondre à des questions de participants qui visent à susciter le doute quant à leurs capacités, leurs souvenirs ou leurs efforts? Et surtout, pourquoi l’approche « respectueu[se] des traumatismes subis » de la Commission s’applique-t-elle à certains et non à d’autres?
Les membres, forcés de revivre leur expérience traumatisante en personne pour un public critique, pourraient payer le fort prix pour une telle mise en scène.
On ne souligne que trop rarement le tort causé à nos membres, que ce soit par les démarches de la Commission comme telles ou par le public. Certains ont faussement avancé qu’en exprimant nos préoccupations, nous prétendions que les membres sont « trop traumatisés pour témoigner » ou ont laissé entendre que ces derniers se cachent pour ne pas avoir à dire la vérité. Des participants ont ouvertement rejeté l’idée que les policières et policiers puissent être aussi affectés par un traumatisme que les civils, ou que leur témoignage pourrait les toucher de la même façon que les autres. Par conséquent, les membres qui ont besoin de mesures d’adaptation ne les demandent pas, sachant qu’ils pourraient se buter à une opposition véhémente de la part des participants ainsi qu’au jugement du public sur leur situation personnelle.
Le but de la Commission n’est pas de jeter le blâme sur des personnes en particulier, ni de tenir un procès civil quant aux revendications des familles à l’égard de la GRC. La Commission a souligné dans son rapport provisoire qu’elle doit être guidée « par des principes de réparation qui nécessitent une approche prospective et axée sur les résultats ». Ce principe doit s’appliquer également aux premiers intervenants et aux autres personnes directement touchées.
Étant donné les dommages déjà causés, pour honorer adéquatement les vies perdues, les travaux de la Commission doivent se faire dans le strict respect de son mandat, dans le but de ne pas causer plus de torts irréparables à ceux qui étaient là.
Nous souhaitons faire avancer les délibérations de la Commission au-delà du strict établissement des faits, en vue de définir pourquoi les événements se sont produits et, ce qui est encore plus important, ce que nous pouvons tous faire pour qu’ils ne se reproduisent pas.
Brian Sauvé
Président Fédération de la police nationale
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